Me sont revenus les temps de ma jeunesse et de ma première maturité, alors que nous ne vivions pas au cœur des appareils, dans le ventre de la machine, — et maintenant d’une machine sans corps ni lieu.
1er janvier 2012. — Las des réseaux sociaux, outré du temps saccagé à naviguer, lire, écrire et parler gros, tout en surface, trop vite, trop court, trop mal, comme en des étourdissements résiduaires et sous l’emprise des nerfs, je me suis souvenu. Me sont revenus les temps de ma jeunesse et de ma première maturité, alors que nous ne vivions pas au cœur des appareils, dans le ventre de la machine, — et maintenant d’une machine sans corps ni lieu. Elle nous abrite, mais nulle part. Elle nous englobe mais ne nous protège plus. Elle nous outille mais nous dessert. Présente et sans vie, elle nous illusionne de faveurs. Les réseaux sont des léviathans surgis de nous-mêmes, grossis de nos humeurs et de notre chair, et dorénavant, plus puissants que leurs créateurs, changés en proies.
Comme en des sacrifices
Rien ne sert pourtant de les ignorer ou de les méconnaître. Il est prudent de les alimenter, comme en des sacrifices la bête ou de mauvais dieux, mais sans en demeurer le jouet trop facile, le fol esclave, le cruel pantin. Sans plus en emprunter la manière, la cadence, la fausse lumière. S’il faut y être, sans doute, il ne faut pas en être.
* Twitter, et surtout Facebook, serviront à ce journal de simples déversoirs. Sans retour à la source. Aucun échange, hors ici, et sans obligation de ma part (puisqu’il n’y a jamais nécessité, en somme).
C’est la fonction même de ce Journal. Il contribuera au régime des léviathans, mais à la sortie, en ouput*, et tel qu’il est en lui-même et qu’il s’efforcera de résister à l’ingurgitation totale, à la fin de l’ancienne humanité, à la disparition de tout hier.
À cette heure
Lentement. Par des objets simples, de légers combats de terrain, des soucis d’artiste et de faiseur d’œuvres, avec juste ce qu’il faut de technique, bon goûteur des plaisirs du beau et de l’esprit, ces antiques richesses qui rentrent à cette heure de notre nuit au cimetière du monde. L’illusion durera ce qu’elle saura. Ensuite restera le Ciel, vers ces Hauteurs où il n’y a plus de méprise.