De l’oreille qui voit.
1. Le son dessine le décor et le geste.
La découverte ne fut pas soudaine. D’abord, l’expérience sonore. Apparaissent la physique du son, sa dynamique (il bouge), ses sources (l’émission brute), ses directions (partout où il peut, où coulera son eau vibrante), sa course (selon les fréquences : les basses sont secrètes, ambiguës, paresseuses; les hautes, de même qu’elles colorent et timbrent, atteignent des vitesses exclusives au silence, à l’invisibilité) et, plus ou moins enfermés dans l’après, qui s’entrechoquent, ses retours (le son a ses réverbérations, telles la lumière ou la chaleur). On est entouré, surrounded. Je dirais, déjà, immersé. Un paysage.
En musique, la salle de concert (idéale) est l’archétype moderne du lieu, longtemps après l’espace de l’église ou du palais. En cinéma, dans la salle obscure, c’est l’image. Il y a obscurcissement du lieu vrai, sans plus d’importance, au profit de la fenêtre-lumière, une fenêtre sur cour où tout se passe, la scène encadrée. Transfert. L’image, ici, est le lieu. Elle dit le lieu à la mémoire spectatrice, au corps qui a été, puis qui a déjà imaginé. Le théâtre n’est pas loin, où le décor force le lieu. Or, l’inversion commence avec le livre audio, oui, c’est-à-dire à même l’audio seul. Le son, ou le bruit, dit à son tour le décor, dit l’image, tient le crayon, la caméra. Il dessine et fait voir.
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