In Retour à la musique, Juin 2006
Carnet de notes 1. Poétique et système de l’improvisation.

Prolégomènes.

Il est besoin d’une musique qui parlât plus qu’à l’oreille mais au sens intérieur, comme le dit Goethe au sujet de Shakespeare (en opposition cependant à la vue). « Le sens intérieur est plus clair encore, qui reçoit la transmission la plus forte et la plus rapide par l’entremise de la parole », écrit-il.

Que l’on veuille bien remplacer l’idée de parole, ici, ou du mot, par l’événement sonore, s’il fait sens (il faut que le mot existe pour faire parole). Je ne suggère pas que la musique fût la parole (si même elle en vient, j’en suis convaincu); je dis que la musique est éclairée par le chemin de la parole, et que notre intelligence du musical gagne à visiter de telles analogies.

Jouer, donc, pour le sens intérieur.


Goethe. — Cercle de couleur symbolisant l’esprit et l’âme humaine, 1809

Post-scriptum.
Encore Goethe : « La couleur est l’expression et la souffrance de la lumière. » Je le paraphrase : le timbre est l’expression et la souffrance du son.

 

In Retour à la musique, Juin 2006
Carnet de notes 1. Poétique et système de l’improvisation.

En juin 2006, après deux décennies de recherche et d’écriture, je revenais à la musique, comme à de premières amours. Plusieurs albums ont marqué ce retour, du temps qu’il s’en faisait encore, soit au piano, d’abord, puis en chanson par la suite. S’y intercalèrent des compositions dites de musique sérieuse, pour violon, ensemble ou orchestre, parfois avec des apports numériques. Or, depuis les pièces pour piano totalement libres, sans préparation d’aucune sorte, si ce ne sont les habitudes du jeu et des découvertes, jusqu’aux compositions mêmes, malgré leur aspect formel au final, en passant par la création musicale des chansons, l’improvisation fut et demeure au cœur des processus. À tel point qu’il me fut toujours impossible, comme pianiste et chanteur, de jouer-chanter deux fois la même pièce, le même passage, le même air, du moins avec détail et précision.

En toute musique

La chose est plus marquée à l’instrument. Si bien que je n’ai jamais pu apprendre et jouer traditionnellement une pièce classique, peu importe laquelle, si même le papier de tous les Bach et les Brahms, les Debussy et les Satie, les Stravinsky et les Schoenberg, les blues et les jazz tardent de toujours sur mon piano et mes étagères. À tout âge, en toute musique, je n’ai pu qu’improviser. Avec le temps, devant ce fait de nature, ce mystérieux trait, je me suis intéressé au phénomène. Je ne veux pas dire en moi-même, si même l’expérience de soi en est une du monde et que le praticien doit se connaître pour connaître son art. Je veux dire objectivement, de l’extérieur.

D’où ces notes, qui sont une espèce de regard, parfois macroscopique, parfois pleine largeur.